Le dîner du CCAF 2025

Le dîner du CCAF ( MAJ : 13 h00)
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©armenews.com
Comme chaque année, la onzième édition du désormais fameux dîner du CCAF a fait salle comble. 450 personnes se sont retrouvées le 11 mars à 19h dans les salons de l’hôtel du collectionneur, à Paris. Lors du cocktail, plusieurs personnalités politiques ont eu l’occasion de s’entretenir avec les invités
dont Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France et
Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères qui, l’un comme l’autre n’ont pu ensuite assister au dîner. Et ce contrairement à Laurent Wauquiez, François-Xavier Bellamy, Raphaël Glucksman,
Eric Ciotti. Bruno Retailleau, lui est arrivé juste avant le diner tout comme Anne Hidalgo, Gabriel Attal,
Guillaume Kasbarian,
Agnès Panosyan-Bouvet, Marine Tondelier, Patricia Miralles ou Claire Hedon.
De nombreux élus avaient également tenu à être présents dont les sénateurs Gilbert-Luc Devinaz, Pierre Ouzoulias, Christian Cambon, Valérie Boyer; des députés comme Etienne Blanc, Marie-Arlette Carlotti, Anne Gennetet, Isabelle Santiago, Sylvain Maillard, Florence Provendier, Patrick Karam, Sébastien Delogu, Jérome Guedj, Alexandra Martin; des maires ou adjoints au maire- Luc Carvounas, Delphine Burkli, Jeanne D’Hauteserre, Philippe Goujon, Pascal Doll,
CCAF info : https://ccaf.info/
Arnaud Ngatcha, Anouch Toranian, Arthur Khandjian… Ils ont retrouvé d’ex-élus comme Georges Kepenekian, François Pupponi, François Rochebloine ou René Rouquet. Marc Guillaume, le préfet d’Ile-de-France a répondu à l’invitation du CCAF. Des représentants des Kurdes du CDKF, du CRIF, des Chypriotes et des Assyro-Chaaldéens ont assisté au diner, tout comme des membres des différents cultes en France.
Les représentants associatifs arméniens étaient également venus nombreux dont Hovhannès Guévorkian, Nadia Gordzounian, tout comme les membres connus dont François et Sophie Devedjian ( Ci-dessus avec O. Decottignies, ambassadeur de France en Arménie), Elise Boghossian.
Parmi les journalistes, on a pu apercevoir Jean-Christophe Buisson, Agnès Vahramian,
Franz-Olivier Giesbert, Valérie Toranian, Ariane Chemin, Raphaelle Baqué, Achen Verdian, Olivier Weber, entre autres; et
Simon Abkarian, Elsa Zylberstein,
Anthony Delon, Alain Terzian,
Pascal Legitimus,
ou Laurent Gerra, pour les personnalités du monde du spectacle.
Enfin, comme de coutume, un certain nombre de figures intellectuelles étaient également de ce dîner. Citons, parmi elles, Raymond Kevorkian, Claire Mouradian, Jean-Pierre Mahe, Claude Mutafian,
Photos du dîner :
https://www.armenews.com/le-diner-du-ccaf/
Stéphane Hasbanian, Tigrane Yegavian, Michel Marian, Gorune Aprikian, Henry Cuny, Vincent Nioré, Frédéric Encel…
C’est Nelson Monfort qui a présenté la soirée en rappelant que la » soirée est l’occasion de nous retrouver et de réaffirmer les liens profonds qui unissent la France et l’Arménie, liens tissés par l’histoire, la culture et des valeurs communes.
Notre rassemblement ce soir prend une résonance particulière alors que nous nous réunissons cette année encore dans un contexte particulier. Un an et demi après l’offensive de l’Azerbaïdjan qui a mené au nettoyage ethnique de la République d’Artsakh, Bakou détient toujours à ce jour 23 otages arméniens en dépit de toutes les normes internationales.
Cette situation dramatique nous rappelle l’importance de notre mobilisation à tous et la nécessité d’une solidarité internationale forte envers le peuple arménien.
Ainsi, cette soirée incarne à la fois un hommage solennel et un appel à l’action. Hommage envers celles et ceux qui œuvrent sans relâche pour la cause arménienne ; mais appel à la communauté internationale pour qu’elle s’engage résolument pour la justice et la paix.
Ce soir, nous aurons l’honneur d’entendre des voix engagées, d’assister à des témoignages d’amitié et de solidarité, et de célébrer le courage de personnalités qui ont pris position avec détermination pour défendre les droits du peuple arménien. »
Après la diffusion d’un clip sur la haine cultivée en Azerbaïdjan à l’encontre des Arméniens et les tortures infligées aux prisonniers, la parole a été donnée à Ara Toranian.
Ara Toranian, co-président du CCAF
Chers amis, Permettez-moi de vous exprimer au nom du CCAF, notre profonde gratitude pour votre présence à cet événement annuel. Ce dîner, davantage encore qu’un rendez-vous républicain, est le symbole d’un engagement, d’une fidélité, d’un soutien partagé. Il nous réunit autour d’une cause, celle d’un petit pays fragile, mais vaillant, l’Arménie, si proche de la France par son histoire, sa culture, ses valeurs, et toujours menacé, précisément du fait de son histoire, de sa culture et de ses valeurs.
Ce soutien que nous apportons à l’Arménie, seul état dans la région se conformant aux normes démocratiques européennes, est inséparable de celui que nous avons toujours manifesté au Haut-Karabakh, symbole contemporain de toute la problématique arménienne. Pendant trois décennies, ce peuple qui s’était libéré du joug de la dictature azerbaïdjanaise ne s’est pas seulement battu pour un droit, celui à l’autodétermination, mais tout simplement pour son existence. L’issue du conflit a, hélas, confirmé combien ses craintes étaient justifiées. La République du Haut-Karabakh a été rayée de la carte par la coalition Ankara-Bakou en septembre 2023. L’Azerbaïdjan n’a eu a subir aucune sanction pour ce crime, sinon la mauvaise note de l’ONG Freedom House qui l’a désigné comme le pire des pires pays, je cite, en matière de violation des droits de l’homme. Les Arméniens ont été chassés comme des chiens, pour reprendre le mot du président Aliev. Un pan supplémentaire de leur territoire est tombé dans l’escarcelle de l’impérialisme panturc. Ou, si l’on préfère, et pour le dire avec les mots glaçants d’Erdogan, le Karabakh a, je cite « repris sa place sereine parmi les pays de l’Islam, à l’ombre du croissant ».
Une nouvelle fois, les Arméniens sont venus grossir les rangs des réfugiés de la planète. Cette tragédie s’est déroulée dans une indifférence quasi générale.
À une exception notable : la France, qui apporte à l’Arménie une assistance politique diplomatique et militaire, ce qui a eu pour conséquence de l’exposer à des représailles azerbaïdjanaises : incarcérations arbitraires de citoyens français à Bakou, manœuvres de déstabilisations outre-mer, assassinats d’opposants azéris sur le territoire.
Voilà, chers amis, où nous en sommes : dans une tragique répétition de cette histoire dont sont issus les Français d’origine arménienne.
Aujourd’hui, le cauchemar continue. À ceci près qu’il ne s’agit pas d’un rêve, mais d’un plan de conquête.
Pendant que l’attention du monde est accaparée par d’autres drames, la Turquie tisse savamment sa toile pour rallier à son étendard le monde turcophone, gagner des positions au Moyen-Orient, étendre son influence en Afrique et même en Europe avec la création dans différents pays de filiales de l’AKP, le mouvement d’Erdogan, comme le parti Egalité et Justice en France, le Dava en Allemagne et en Autriche, le Denk qui compte déjà 3 députés aux Pays-Bas.
Dans le Caucase, après le Haut-Karabakh, c’est logiquement l’intégrité territoriale de ce qu’il reste de l’Arménie qui est visée dans le cadre d’une volonté de reconstituer pièce par pièce l’Empire ottoman. La prochaine étape, ouvertement envisagée, étant l’occupation militaire du sud de l’Arménie pour établir une continuité territoriale entre la Turquie, l’Azerbaïdjan et plus loin tous les Etats turciques, jusqu’à la Muraille de Chine pour reprendre l’expression de l’ancien président turc, M. Suleyman Démirel. Un projet impérialiste lourd de menaces, car sous-tendu par une vision stratégique et une tradition criminelle.
Or nous entendons, ici et là, qu’au nom d’un prétendu réalisme, certains chercheraient à réhabiliter l’Etat turc sous prétexte que son armée pourrait pallier les carences de l’Europe et qu’elle serait un rempart.
Un rempart ? Quel rempart pourrait bien constituer un État qui s’est construit sur l’anéantissement de ses minorités ?
Un Etat totalitaire qui a perpétré un génocide toujours impuni et nié contre les Arméniens (1,5 millions de morts), qui a massacré les Grecs, les Assyro-Chaldéens, les Yézidis, les Kurdes, qui occupe Chypre, qui a cogéré le nettoyage ethnique du Haut-Karabakh, qui instrumentalise les flux migratoires, qui cultive et propage l’antisémitisme, qui mène des opérations militaires illégales en Irak et en Syrie, qui soutient en ce moment même les djihadistes massacreurs d’Alaouites et de chrétiens dans la région de Lattaquié, et qui n’hésite pas, le cas échéant, à terroriser son propre peuple.
À un mois de la commémoration du 110e anniversaire du génocide de 1915, nous voilà donc à nouveau obligés de sonner le tocsin. Si nous remercions infiniment la France pour sa solidarité, qu’il nous soit cependant permis de regretter le manque d’implication de Bruxelles. Il y a bien sûr les observateurs de l’Union européenne aux frontières arméniennes. Nous ne mésestimons pas le rôle de cette mission. Mais, comment est-on censé réagir face à la saisissante disproportion, entre les dizaines de milliards d’euros octroyés pour d’autres situations, et les malheureux 10 millions d’euros accordés à l’Arménie assiégée par ce que l’on appelle « la Facilité européenne pour la paix » ?
Pour conclure qu’il nous soit également permis de revenir sur le sort des résolutions votées par l’Assemblée nationale et le Sénat préconisant des sanctions contre les avoirs azerbaïdjanais en France et en Europe. Nous savons le rôle décisif que vous avez joué, cher Bruno Retailleau, dans l’écriture et l’adoption de ces textes et notamment celui du Sénat qui a fait bouger les lignes d’une manière déterminante en France. Nous vous en sommes extrêmement reconnaissants. Comme nous vous remercions aussi de votre visite extraordinaire de décembre 2021, avec Valérie Pécresse et Michel Barnier, au président de la République du Haut-Karabakh, Arayik Haroutounian à Stépanakert. Nous ne l’oublierons jamais. Mais alors que ce dernier, avec 22 autres Arméniens est détenu et torturé dans les geôles de Bakou, en ce moment même, avec également 3 otages français qui sont au coeur de nos inquiétudes, la question se pose de savoir à quel moment il sera opportun et possible de passer du stade des voeux à celui de leur réalisation ? Cette question se pose avec d’autant plus d’acuité, que se déroulent en ce moment même à Bakou les audiences de ce tribunal de Nuremberg à l’envers, au cours duquel les responsables de la résistance arménienne sont jugés par les assassins de leur peuple. Chers amis, c’est naturellement en pensant d’abord à la situation dramatique de ces prisonniers, qui revêt un caractère d’urgence absolue à tous les niveaux, que je renouvelle ce soir cet appel à la solidarité et à la résistance !
Puis, Mourad Papazian, co-président du CCAF, a pris la parole.
C’est avec une profonde émotion que nous nous adressons à vous ce soir, portant dans notre voix l’écho de milliers de silences – ceux des terres vidées de l’Artsakh, ceux des familles déchirées, et ceux, insupportables, de nos otages arméniens détenus injustement en Azerbaïdjan. Tous ensemble, nous devons nous battre pour la libération des 23 otages arméniens détenus dans les prisons de la dictature azerbaïdjanaise.Nous sommes ici pour dénoncer l’épuration ethnique que l’Azerbaïdjan a menée contre les Arméniens d’Artsakh, sous le regard impuissant – ou complice – de la communauté internationale. Nous sommes ici parce que le crime a eu lieu, mais le châtiment n’est toujours pas venu. Et ce silence coupable encourage le bourreau. Ilham Aliev, dictateur sanguinaire qui se croit intouchable.
Et ce soir, nous sommes là pour dire que le temps de l’impunité est terminé.
Libérez les otages ! C’est le cri du cœur que nous lançons ce soir !
23 Arméniens sont aujourd’hui enfermés dans les prisons de Bakou. 23 vies brisées, 23 familles en attente, 23 innocents sacrifiés sur l’autel du cynisme et de la barbarie.
La pression exercée sur ces otages est inhumaine. Isolement, pressions psychologiques, humiliations constantes, privation de soins médicaux essentiels, suspicions de tortures !
Nous pensons à ces familles qui, chaque soir, fixent une chaise vide à leur table. Nous pensons à ces enfants qui grandissent sans savoir si leur parent reviendra un jour.
Nous pensons à l’angoisse insupportable de ne pas savoir si l’être aimé est torturé à l’heure même où nous parlons.
Ils ne sont ni coupables, ni criminels. Ce sont des otages politiques, arrachés à leur terre et à leur famille.
Leurs procès, qui se déroulent en ce moment-même, sont une insulte à la justice, une parodie grotesque orchestrée par une dictature où la justice est à la solde du régime.
Les charges retenues contre eux ? De pures inventions. Les verdicts attendus ? Des peines lourdes, cruelles, injustes.
Parmi eux, Ruben Vartanyan, homme d’affaires, philanthrope, ancien ministre d’État d’Artsakh, qui, sans y être obligé, a quitté une position très confortable, pour rejoindre les Arméniens en Artsakh et se battre à leurs côtés.
Aujourd’hui, pour dénoncer cette justice inique, il a entamé une grève de la faim depuis trois semaines.
Il met sa vie en péril, car il sait que l’Azerbaïdjan veut l’humilier et l’anéantir, comme il a déjà anéanti tout un peuple.
L’état de santé de Ruben Vartanyan s’est considérablement dégradé. Ruben peut mourir à tout moment. Le monde entier est sensibilisé sur le sort des otages et interpelé quant aux risques qu’ils encourent. Je pose la questions chers Amis :
Qui sera responsable si l’un ou plusieurs d’entre eux devaient mourir en prison ?
Face à cette horrible réalité, Nous refusons de les abandonner ! Nous refusons de laisser faire !
Même depuis sa cellule, Ruben Vardanyan nous lance cet appel vibrant : « J’ai compris ici qu’il ne faut jamais céder au désespoir ou à l’indifférence. Le désespoir signifie que l’étincelle divine en vous s’est éteinte, que vous avez cessé de croire en quoi que ce soit, que vous avez simplement abandonné. Je vous en conjure… ne perdez jamais la foi et ne cédez jamais au désespoir. C’est le fondement de notre avenir.’ Ces paroles sont un testament à notre responsabilité collective.
chers Amis, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les maires et parlementaires, mesdames, messieurs les Ambassadeurs, nous ne pouvons pas détourner le regard.
Ce soir, nous devons tous être d’accord pour :
Demander la libération des 23 otages arméniens.
Organiser une pression diplomatique forte sur Bakou pour mettre fin à cette injustice.
“L’injustice, où qu’elle se produise, est une menace pour la justice partout ailleurs.”
Ces mots de Martin Luther King résonnent ce soir. Si nous tolérons ce crime, quel autre crime tolérerons-nous demain ?
L’Histoire jugera ceux qui se sont tus. Ce soir, tous ensemble, donnons de la force à la question du droit au retour des Arméniens en Artsakh, sur leurs terres ancestrales.
120 000 Arméniens ont été chassés de leur terre. Des villages entiers vidés. Des églises profanées.
Un peuple déporté. Exigeons ensemble, comme l’a officiellement demandé la France, que la communauté internationale garantisse le droit au retour des Arméniens d’Artsakh, dans des conditions de sécurité absolue, sous protection internationale. Si nous ne défendons pas ce droit, alors nous acceptons l’épuration ethnique comme un fait accompli !
Et nous le savons, l’histoire nous l’a enseigné : ce que l’on accepte en Artsakh aujourd’hui, d’autres peuples le subiront demain ! Nous demandons des sanctions contre la dictature de l’Azerbaïdjan !
Le CCAF a entamé une procédure auprès de la Cour Pénale Internationale. Avec notre avocat, Maître Sévag Torossian, avocat agréé auprès de la CPI, nous avons engagé cette démarche : Ilham Aliev doit être traduit devant la Cour Pénale Internationale pour crime et génocide contre le peuple d’Artsakh.
Il est responsable d’un génocide, d’une épuration ethnique, d’un terrorisme d’État. C’était à l’automne 2023, il y a 18 mois.
Au-delà de la nécessité pour l’Etat français de se joindre à notre démarche, nous demandons :
- Un embargo total sur les ventes d’armes à l’Azerbaïdjan.
- Le gel des avoirs des dignitaires du régime.
- L’interdiction d’entrée sur le sol français des responsables de ces crimes.
- La fermeture de l’ambassade d’Azerbaïdjan en France et l’expulsion du personnel diplomatique.
Le monde a refusé de prendre ses responsabilités. Il est temps de retrouver du courage, de la dignité et de faire face à l’horreur. L’histoire place aujourd’hui la France face à un choix. Se taire ou se lever. Se cacher derrière des mots ou agir. Mesdames et Messieurs les représentants du gouvernement, la France a une voix qui porte. Elle doit l’utiliser pour mobiliser un front international contre le terrorisme d’État d’Aliev. Mesdames et Messieurs, levons-nous pour l’Artsakh ! LEVONS NOUS ! Levons-nous pour dire NON à l’injustice. Levons-nous pour dire NON à la soumission. Levons-nous pour dire OUI à la liberté, à la justice, à la dignité.
Levons-nous chers Amis, levons-nous et applaudissons le courage des otages et leur dire que nous les soutenons et que nous nous battrons pour leur libération. Levons-nous et applaudissons la détermination des Arméniens à ne jamais abandonner l’Artsakh.
Merci. Vive la justice, Vive l’Arménie, Vive l’Artsakh libéré, Vive la France !
Anne Hidalgo, maire de Paris, s’est ensuite adressée à l’assistance
Chers amis,
A l’heure où nous nous retrouvons aujourd’hui, à plusieurs milliers de kilomètres, l’Arménie vit dans une paix fragile. En 2023, elle a subi l’attaque de l’Azerbaïdjan. Et aujourd’hui, le discours belliqueux de Bakou et sa course à l’armement font craindre le pire. D’autant que ce régime dictatorial nie toujours le génocide de 1915 et chercher encore à effacer sa voisine de la carte. Souvenez-vous : fin août 2023, certains d’entre vous étaient avec moi à Goris, au dernier point accessible avant le corridor de Latchine. Nous apportions notre aide au peuple de l’Artsakh, assiégé par un blocus inhumain. Mais juste après notre intervention, l’Azerbaïdjan a décidé d’envahir l’Artsakh. Les forces azerbaïdjanaises ont détruit de nombreux lieux de culture, jusqu’aux lieux de culte chrétiens et aux lieux de mémoire arméniens. Cette invasion a aussi chassé 150 000 habitants qui ont alors trouvé refuge en Arménie voisine.
Mes chers amis,
En plus de s’acharner contre un peuple en particulier, la corruption règne à Bakou, où se déroule un simulacre de procès contre seize prisonniers arméniens. Parmi eux, huit anciens dirigeants de l’Artsakh, dont trois anciens présidents. Capturés et détenus illégalement, ils sont jugés sans équité, sans observateurs internationaux ni médias étrangers. L’accusation : « terrorisme » et « crimes de guerre ». J’ai moi-même eu l’honneur de rencontrer le président Arayik Haroutiounian, qui a dirigé l’Artsakh de 2020 à 2023. Et je vous le dis : j’ai rencontré un chef d’État, pas un criminel.
Il parait que c’est un séparatiste. Pour moi, l’Artsakh était une République démocratique qui devait tout simplement être reconnue.
Comme si cela ne suffisait pas, le régime d’Aliev a mis en place une politique d’ingérence dans nos affaires intérieures, une force de déstabilisation qu’il faut contrer.
C’est pourquoi, avec d’autres villes ici présentes, j’ai appelé au boycott de la COP 29 en novembre dernier.
Au Parlement européen, au Parlement français, dans nos régions et nos villes, des élus se tiennent aux côtés de l’Arménie. Il reste de l’espoir !
Et je le répète : Paris se tient aux côtés de l’Arménie.
Nous continuons d’aider l’association de soutien à l’Artsakh dont vous êtes, cher Hovhannès GUEVORKIAN, l’infatigable promoteur. Nous demandons la libération immédiate et sans conditions des détenus de Bakou. Sans oublier les 80 citoyens de l’Artsakh qui ont disparu dès le début de l’invasion et dont nous sommes toujours sans nouvelles. Tôt ou tard, je vous le dis, le clan Aliev devra rendre des comptes devant la communauté internationale. L’Arménie a ratifié le statut de Rome et peut désormais porter ces affaires devant la Cour pénale internationale. Les réfugiés de ce conflit n’ont pas renoncé à leurs droits, leurs terres, leurs maisons, leur pays ! Ils comptent les faire valoir auprès des juridictions internationales. Et nous soutiendrons coûte que coûte leur droit au retour. Les prochaines assises de la coopération décentralisée auront lieu en Arménie, en juin.
Je réaffirme notre engagement envers Erevan, notre ville-sœur. Je soutiens les nombreuses associations de la diaspora arménienne comme Santé Arménie.
Chère Nadia Gortzounian,
Je salue votre immense travail contre les traumatismes de guerre. Enfin, je me réjouis d’une chose : la cause arménienne à bel et bien trouvé son écrin à Paris ! La Maison de l’Arménie va emménager au Pavillon de l’eau, dans le XVIème arrondissement. Elle y côtoiera la Maison de l’Europe. Quel signal ! Quoi de plus chargé de sens de voir l’Arménie et les amis d’une Europe unie, indépendante, démocratique, partager les mêmes locaux.
Mes chers amis,
Ensemble, continuons à défendre l’Arménie, son peuple et ses valeurs. En protégeant ce pays, nous protégeons aussi l’Europe et notre humanité commune !
Je vous remercie.
Bruno Retailleau, le ministre de l’intérieur s’est ensuite exprimé dans un discours très lyrique au nom du gouvernement.
Rappelant que la cause arménienne transcendait les partis politiques français, le ministre est venu dire que ce dîner était « un rendez-vous de l’amitié et de la fidélité. »Sa fidélité est à la cause arménienne est d’abord « charnel » car l’Arménie est notre sœur, assure-t-il, reprenant une citation d’Anatole France. Durant tous les combats que l’Arménie a dû mener, «la communauté a fait preuve de manque de courage. Une seule voix s’est élevée, celle de la France. La France a toujours été du côté de l’Arménie, à sa façon. » Et de dresser l’inventaire des différents types de coopération existants entre les deux pays dont la militaire. Paris a été l’aiguillon en Europe pour la Facilité européenne de Paix, la France est à l’initiative pour l’agenda et les partenariat. « La France veille à l’accord négocié entre Erevan et Bakou, nous sommes attentifs à ce que l’accord préserve l’intégrité et la souveraineté de l’Arménie. »
« J’ai une pensée pour les 23 personnes dont Ruben qui met en danger sa santé et sa vie pour ce à quoi il croit. J’ai une pensée pour lui et j’espère que les mots que je prononce ce soir iront jusqu’aux frontières de l’Azerbaïdjan pour que les prisonniers soient libérés. »
L’exigence de souveraineté pour l’Arménie se double d’une exigence d’identité. L’Arménie a affronté une épuration ethnique, mais elle n’a jamais cédé. Elle n’a jamais renoncé à son arménité… Elle a veillé sur notre héritage culturel et civilisationnel qui dessinne nos paysages intérieurs. » La cicatrice du 24 avril que « nous commémorerons » ne sera pas refermée tant que le génocide ne sera pas reconnu. « Mais tant qu’il y aura des Arméniens pour aimer l’Arménie, elle vivra. » et de conclure : « Vous êtes les messagers de l’espérance. Vous êtes un trait d’union entre nos deux peuples, un trait de lumière». Une lumière « formidablement » incarnée par Mélinée et Missak Manouchian qui « portent un message universel.»
Dans cette dernière partie, le CCAF a remis des médailles du courage à quatre élus. Trois étaient présents, seule Nathalie Loiseau, eurodéputée, retenue à Bruxelles, n’a pu être présente.
Alexis Govciyan, Conseiller de Paris, Président de la Commission Environnement, Climat et Biodiversité, Propreté du Conseil de Paris et élu du 9ème arrondissement de Paris, a fait l’éloge de Laurent Wauquiez avant de lui remettre la médaille du courage.
« Depuis quelques semaines, vous êtes président du Groupe d’amitié France-Arménie à l’Assemblée nationale, position important si il en est. Toutefois, si le CCAF vous décerne aujourd’hui la médaille du courage, c’est aussi et surtout pour vos initiatives majeures et vos positions politiques à la tête du Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes. Dans ce cadre, vous avez toujours démontré votre engagement et votre mobilisation par une forte cooération avec l’Arménie et vous avez placé cete coopération au cœur de la politique internationale de votre Région, en étant sur le terrain, au plus près des besoins et des réalités
Parmi vos multiples actions et engagements que nous n’avons hélas pas le temps de citer, le CCAF souhaite insister sur ce que vous aviez initié, le 20 octobre 2022, lorsque la Région Auvergne-Rhône-Alpes adoptait un plan de soutien à l’Arménie et plus particulièrement à la région éminemment stratégique du Syunik.
Plan de soutien qui, compte tenu du contexte, visait à aider la population arménienne à se préparer et se protéger, et à contribuer au renforcement du pays par un appui au développement territorial. Un budget important avait même été décidé pour répondre à tous les besoins identifiés et lancer rapidement un programme d’action.
Vous aviez complété ce partenariat par la signature d’une convention de coopération avec le Gouverneur de la Région du Syunik, le 29 mars 2023, à Tatev.
Dans le cadre de cette mission en Arménie, vous aviez également annoncé le doublement de l’aide régionale au Syunik et déclaré que votre première bataille c’était de faire connaître ce qui se passait en Arménie et qu’il y avait 150.000 personnes bloquées, coupées du monde entier, dans ce territoire qu’est Artsakh.
Vous appeliez aussi la communauté internationale à réagir fortement et pour votre part, vous vouliez montrer que quand on attaque l’Arménie, on attaque un pays qui est un pays frère de la France.
Cher Laurent Wauquiez, vous vouliez prévenir, surtout, qu’avec la convention de coopération que vous aviez signée et avec l’engagement que vous preniez, votre région était un rempart et s’attaquer au Syunik, serait aussi s’attaquer à Auvergne Rhône Alpes. Une position politique forte de sens, de total soutien !
Aussi, le CCAF vous décerne aujourd’hui, cette médaille et vous remercie pour toutes vos actions, pour votre détermination et surtout pour tout votre courage. »
Laurent Wauquiez a remercié pour cette distinction affirmant qu’elle la touchait et qu’il y associait les élus de la Région ARA et les représentants des associations arméniennes. Pour la première fois, il y a sept ans, il s’est rendu en Arménie, raconte-t-il. « Je ne connaissais rien au pays et à sa culture, comme beaucoup mais c’est le voyage qui m’a le plus transformé. » Il a été marqué « par le courage de ce peuple qui ne ploie jamais. » Et lors d’un second déplacement sur place, il s’est fait la promesse de ce » tenir au côté de l’Arménie en me concentrant sur la défense du Siounik, prochaine cible d’Aliev. C’est dans ce cadre que nous avons porté un certain nombre de projets. »
« Je veux aujourd’hui travailler avec le groupe d’amitié à une résolution sur la libération des prisonniers à Bakou que je veux faire adopter largement par l’Assemblée nationale et le Sénat… Au moment où la France veut une force d’intervention internationale en Ukraine, pourquoi ne pas en avoir une aussi en Arménie ? (…) L’Union européenne doit mettre en place une force d’interposition (…) Nous devons protéger l’Arménie car il n’est pas acceptable qu’elle soit à nouveau menacée par les mêmes bourreaux, un siècle plus tard», au motif que c’est une démocratie.
Si on était à Goris, conclut-il, on lèverait un verre de vin rouge en se disant « Genats». « Genats, mes amis ! Buvons à la vie ! »
C’est Ara Toranian qui a été chargé de remettre la médaille du courage à l’eurodéputé François-Xavier Bellamy, lequel s’est ensuite adressé à l’assistance.
François-Xavier Bellamy a commencé par une pensée pour les familles d’Artsakh qui ne savent pas si elles pourront un jour rentrer chez elles; pour les familles endeuillées par la mort d’un proche; et pour Roben Vardanan, « prisonnier victime d’un simulacre de procès. » Il a rencontré, il y a quelques semaines, le fils de Ruben et dit qu’à ses yeux, « la famille Vadrnayan est notre famille, son combat est notre combat car nous ne nous battons pas pour l’Arménie, mais c’est l’Arménie qui se bat pour nous en première ligne et dans ce combat, le peuple arménien tient bon mais l’Europe se montre lâche. La France n’a pas non plus toujours tenu ses promesses. » Et de constater que « nous avons fait tout ce que nous pouvons, mais nous ne pouvons pas tout ce que nous devons.» Depuis que la mission européenne de surveillance a été mise en place, plus aucun soldat arménien ne meurt sur la frontière, se félicite-t-il. « Mais comment se fait-il que les criminels du régime azeri puissent venir en France s’amuser »; comment se fait-il que le gaz azéri coule encore dans nos foyers; « que l’Union européenne n’aie pas imposé de sanctions; que nous ne puissions pas libérer les otages ? » « Il y a dans cette salle, conclut-il, de quoi renverser toutes les tables et c’est notre devoir car sinon ce ne sont que des mots. L’Arménie se bat pour la liberté, pour la démocratie, battons-nous avec elle ! »
Enfin, la médaille du courage a été remise également à Raphaël Glucksmann par Mourad Papazian qui a démarré ses remerciements par un trait d’humour : « Cette médaille va faire grand plaisir à ma belle-famille », a-t-il dit, avant, plus sérieusement, de confier que cette distinction « est un honneur immense que je ne pense pas que nous méritions. Le courage, ce n’est pas nous, ce sont les otages qui affrontent leurs bourreaux », c’est l’exilé qui reste lui-même quand tout autour de lui tout l’invite à disparaître. Son père, raconte-t-il, lui a donné lorsqu’il était jeune un texte d’Anatole France sur les Arméniens. Ce texte finissait par les célèbres mots : « Une peuple qui ne veut pas mourir ne meurt pas » « Lorsque vous êtes entouré de régimes qui veulent votre mort, le simple fait de vivre en tant qu’Arméniens, c’est ça le courage… Je salue le courage des Arméniens et du Parlement de ce pays pour avoir affirmé le destin européen de l’Arménie. » Il remaqrue qu’une puissance n’avait pas été citée ce soir, c’est la Russie. Or, constate-t-il, si Poutine n’avait pas donné son feu vert, il n’y aurait jamais eu d’épuration éthnique. La Russie a trahi l’Arménie pour faire la peau à la démocratie. Si nous soutenons l’Ukraine dans son combat, nous devons faire de même avec l’Arménie car ces deux pays défendent la même cause. » Il pointe également, comme la maire de Paris un peu avant, la corruption orchestrée par l’Azerbaïdjan au sein des institutions européennes. « Mais cette corruption existe aussi en France et parmi ceux qui ont participé à cette diplomatie du caviar en Europe, certains étaient aussi français. L’un d’eux siège même encore aujourd’hui au Parlement européen ! (…) Je veux une France où l’on respecte la dignité et où l’on se fasse respecter des tyrans ( …) En défendant l’Arménie, l’Europe se défend elle-même. »
Photo reportage Lydia Kasparian
